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samedi 28 novembre 2015

MARC RONCERAILLE

UNE SUPERCHERIE LITTERAIRE DES ANNEES 1970


     Marc Ronceraille est sans doute l'un des canulars littéraires les plus réussis de ces dernières décennies. L'affaire commence en 1978, lorsque les éditions du Seuil font paraître un ouvrage consacré à Marc Ronceraille, jeune écrivain talentueux et provocateur, disparu en 1973, à la suite d'un accident en montagne. Le livre a été écrit par Claude Bonnefoy, critique littéraire éminemment reconnu, et il figure dans la collection "Ecrivains de toujours" : c'est même le n°100 de la collection, et il se situe entre les numéros dédiés à Charles Dickens et Georges Bataille.
    Dans son livre, fort sérieux en apparence, Bonnefoy a rédigé des articles et des études consacrés à l'écrivain, auteur en particulier d'un roman, L'Architaupe,  qui aurait été publié en 1969 aux éditions du Lieu (rue Jacob) et qui se serait vu attribué quatre voix au Goncourt. Mieux, le critique amorce même un début de polémique en soutenant la thèse que Marc Ronceraille ne serait pas l'auteur de ses livres, mais qu'il s'agirait en fait d'un de ses amis d'enfance, mort à l'âge de 22 ans dans un hôpital psychiatrique, et à qui Ronceraille aurait dérobé des manuscrits.
     Dès sa sortie, l'ouvrage fait sensation. La plupart des critiques saluent le travail du jeune écrivain et de Claude Bonnefoy et, même si le livre est en proie à l'hostilité des libraires, le succès est au rendez-vous. Claude Bonnefoy est même invité dans le célèbre magasine littéraire de Bernard Pivot, Apostrophes... Et c'est là que la supercherie est dévoilée : à la fin de l'émission, les téléspectateurs apprennent stupéfaits que Marc Ronceraille n'a jamais existé et que sa vie et ses écrits sont tout droit sortis de l'imagination - très prolixe - de Claude Bonnefoy. 
    Si tout le monde s'est laissé prendre au piège, c'est que Bonnefoy avait soigneusement préparé son affaire : fausse biographie (le critique avait notamment inventé un passage de l'écrivain à Apostrophes), faux documents (couvertures de livres, lettres manuscrites, photos d'un ami ayant accepté de jouer le rôle de Ronceraille...). Par ailleurs, certains personnes avaient été mises dans la confidence - Philippe Solers, Robert Sabatier, Bernard Pivot... - , et le critique avait bénéficié de la complicité de Denis Roche, membre du comité de lecture du Seuil, avant que le projet ne soit soutenu par le directeur de la maison d'édition en personne. Pour parachever l'oeuvre de sa créature, Bonnefoy avait également crée des poèmes s'inspirant du courant hermétique, réussissant ainsi à dépasser le stade de la mystification pour critiquer certaines expérimentations littéraires formelles, très à la mode dans les années 1970.
      Une fois la supercherie éventée, les ventes du livre s'effondrèrent. 
  Aujourd'hui, il n'en reste plus que quelques exemplaires d'occasion à la vente et, même si cet ouvrage n'est qu'une incroyable mystification, elle n'en est pas moins une curiosité littéraire qu'il peut être intéressant d'avoir dans sa bibliothèque...


"Marc Ronceraille avec Bernard Pivot dans l'émission Apostrophes"
Photo de l’intérieur du livre : Marc Ronceraille par Claude Bonnefoy, 
numéro 100 d’« Écrivains de toujours », éditions du Seuil, 1978


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